RIO : la lisibilité du numéro n’est pas une option, c’est une garantie démocratique
Saisi par l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-France) et La LDH (Ligue des droits de l’Homme) – saisine soutenue par le Syndicat des avocats de France (Saf) et le Syndicat de la magistrature (SM), le Conseil d’État, par une décision du 11 octobre 2023, avait accordé 12 mois au gouvernement pour prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que le numéro d’identification individuel (RIO) soit effectivement porté par les agents des forces de l’ordre, mais aussi qu’il soit agrandi afin d’être rendu réellement visible et lisible en contexte d’intervention.
Un an après, la majorité des agents des forces de l’ordre ne sont toujours pas personnellement identifiables lors de leurs interventions.
Le nouveau ministre de l’Intérieur doit prouver qu’il respecte l’État de droit en exécutant sans délai cette décision de justice. Dans une démocratie, la police n’est pas au-dessus des lois et les agents doivent répondre personnellement de leurs actes devant la population quand ils agissent au mépris de leur déontologie et du cadre fixé. À ce titre, l’État, en qualité d’employeur et de supérieur hiérarchique des agents des forces de l’ordre, devrait en assumer la responsabilité.
Le RIO : la lisibilité du numéro n’est pas une option, c’est une garantie démocratique.
L’identification des agents des forces de l’ordre repose sur des principes essentiels à un État de droit. Sans elle, pas de possibilité de faire valoir ses droits en cas de violation de la loi lors des opérations de police. Sans elle, le risque d’engendrer un sentiment d’impunité, à rebours des exigences pesant sur les États ayant ratifié la Convention européenne des droits de l’Homme, est d’autant plus important. Qu’il soit permis, au plus haut niveau de l’État, que des policiers puissent ne pas être identifiables en service, ne peut que générer au sein de la population un sentiment de défiance et de suspicion.
En France, ce principe simple et incontestable de transparence est garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui pose le droit de « demander compte à tout agent public de son administration ».
Un tel principe permet de rendre les forces de l’ordre comptables de leurs actes en cas d’abus, et de prévenir ou de sanctionner, le cas échéant, des atteintes graves aux libertés fondamentales telles que la liberté de manifester.
Or, actuellement, le RIO apposé sur le bandeau amovible est – toujours – un numéro de quelques millimètres, trop petit pour être lisible. De plus, des pratiques illégales de dissimulation de ce numéro sont observées. L’équipement est inadapté aux contraintes de terrain, et l’absence de sanction des agents qui ne respectent pas cette règle a été reconnue devant le juge par le ministère.
C’est pourquoi le Conseil d’État avait donné au gouvernement jusqu’au 11 octobre 2024 pour agrandir le numéro en le rendant réellement visible et lisible en toutes circonstances et pour en imposer le port effectif.
Ne pas porter le RIO, c’est sciemment refuser réparation aux victimes, offrir l’impunité aux agents, auteurs de violences policières, et les conforter à agir hors-la-loi.
Dans son rapport annuel sur l’État de droit de 2024 les constats de la Commission de l’Union européenne rappellent la gravité de la situation qui perdure en France : “Souvent, dans le cadre de manifestations, il est impossible d’enquêter sur les agissements des forces de l’ordre prétendument contraires à leurs règles de déontologie, car les auteurs ne peuvent pas être identifiés.”
Depuis plusieurs années, les violences commises par les forces de l’ordre à l’occasion du maintien de l’ordre en manifestation sont en hausse en France. Or, dans de très nombreux cas, l'impunité des agents reste la règle, ceux-ci n’étant pas identifiables.
Les citoyennes et citoyens se trouvent désarmés face à une force publique échappant à tout contrôle, alors qu’elle est pourtant censée les protéger.
L’identification effective des forces de l’ordre est une exigence minimum dans une démocratie et une condition essentielle pour rétablir la confiance de la population envers sa police.
Nous exhortons le ministre de l’Intérieur, M. Bruno Retailleau, à se conformer immédiatement à la décision du Conseil d’État, et saisissons le Conseil d’État d’une demande en exécution de cet arrêt.
Signataires : ACAT-France, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature